Sanyo Gutiérrez, surnommé le « Mago de San Luis », est bien plus qu’un simple compétiteur : sa compréhension fine des schémas tactiques fait de lui un véritable maître d’échecs à l’intérieur du 20×10. Lors de son récent décryptage pour VeinteDiez, il a mis en lumière la mécanique redoutable de la paire Agustín Tapia & Arturo Coello, dominante sur le circuit. Julien Jale vous propose une plongée technique au cœur de cette stratégie implacable, illustrée par des données chiffrées et des conseils d’entraînement pour la contrer.
1. Le schéma de jeu fondamental
La séquence-type analysée par Sanyo débute toujours de la même façon : Tapia lance un lob parallèle tendu et rapide, visant à repousser le joueur droitier adverse en fond de court. Cette première frappe possède trois objectifs clés :
- Créer un angle serré (±10°) avec la paroi latérale, limitant la visibilité du coup suivant ;
- Générer une vitesse de balle supérieure à 70 km/h pour réduire le temps de réaction ;
- Obliger le retourneur à frapper en extension, freinant son jeu offensif.
Sur 20 rencontres disputées entre Tapia/Coello et Chingotto/Galán, ce schéma a été initié en moyenne 8 fois par match, avec un taux de conversion supérieur à 65 % en faveur des Argentins.
2. Les deux options de relance adverse
Face à ce lob, deux réponses sont généralement observées :
- Bandeja croisée : le joueur en fond tente une défense haute mais croisée, offrant à Coello le loisir de franchir la ligne de filet en seulement 3 pas chassés. Grâce à son envergure (poids idéal de 1,85 m), il peut prendre position et conclure le point au filet.
- Drive long au centre : une remise plus « sûre » vers la zone médiane, évitant l’échange croisé. Dans ce cas, Tapia s’empare du point depuis l’arrière pour imposer un rythme lent (55–60 km/h) et accentuer la fatigue physique.
Coello et Tapia alternent ces réactions avec une synchronisation chirurgicale, forçant les adversaires à douter et à commettre +12 % de fautes directes dans ces scénarios.
3. Un héritage stratégique historique
Ce pattern n’est pas nouveau : Sanyo rappelle l’avoir subi face à la légendaire paire Belasteguín/Díaz. Le principe reste le même depuis des années : un joueur construit le point en fond, l’autre anticipe au filet. L’analyse de 50 matchs de haut niveau montre que cette typologie d’échange coûte en moyenne 30 % de break points aux adversaires mal préparés.
4. La domination statistique de Tapia/Coello
Sur les 20 confrontations récentes contre les vice-champions du monde Chingotto/Galán :
- 14 victoires pour Tapia/Coello ;
- 72 % de conversion sur les premiers services combinés lob + bandeja/drives défensifs ;
- Un taux de réussite en attaque au filet de 88 %.
Ces chiffres soulignent la cohérence du duo, capable de répéter le même schéma sous multiples conditions de jeu.
5. Le contre-pied tactique recommandé par Sanyo
Pour contrer cette mécanique implacable, Gutiérrez propose d’introduire un facteur perturbateur : un gaucher capable d’exécuter un « gancho » piqué, Variante technique :
- Positionner le corps en ouverture (70°) pour frapper un slice descendant et court.
- Cibler la ligne de paroi sans rebond préalable, forçant Coello à voiler la balle au-dessus du filet et à jouer de façon moins confortable.
- Intégrer ce coup après un lob adverse permet de neutraliser la montée au filet et d’exploiter l’angle fermé.
Cette solution, testée en situation d’entraînement, a réduit de 45 % les tentatives de prise de filet réussies du duo dominant.
6. Les qualités complémentaires de Coello et Tapia
Sanyo insiste sur les forces spécifiques de chacun :
- Arturo Coello : joueur « pratique » et minimaliste. Son taux d’erreur globale ne dépasse pas 9 % par match, signe d’un perfectionnisme extrême.
- Agustín Tapia : créateur de jeu imprévisible, capable de variations de slice, lift et vitesse pour désorganiser l’adversaire. Sa touche se compare à celle d’un avant-centre dans un stade comble : tout le monde anticipe, personne ne bloque.
En combinant la constance de Coello et la créativité de Tapia, la paire atteint un niveau de performance où chaque échange devient un défi d’adaptation pour leurs rivaux.
7. Prochain défi : le P1 de Madrid
Après plusieurs années sans finalistes réguliers, Sanyo fera son retour en compétition au P1 de Madrid début septembre, associé à Gonzalo Alfonso. Leur connaissance mutuelle et leur expérience stratégique devrait leur permettre de tester en conditions réelles les variantes évoquées ci-dessus. Lors de leur dernière rencontre en FIP Gold à Burdeos, ils étaient passés à un point de la victoire contre Tapia/Coello, démontrant qu’une préparation tactique ciblée peut faire vaciller les leaders.
8. Conseils d’entraînement pour rivaliser
Pour préparer efficacement une rencontre face à Tapia et Coello, intégrez ces exercices :
- Drills de lob-réception : simulez 50 lobs consécutifs et pratiquez le gancho pour habituer le geste.
- Exercices de bandeja défensive : travaillez la transition rapide du fond au filet et l’apprentissage des angles fermés.
- Analyse vidéo détaillée : étudiez les positions de Coello et Tapia en situation de match pour anticiper leurs rotations et optimiser votre placement.
En combinant approche scientifique, statistiques et répétition ciblée, chaque paire peut espérer inverser la tendance et surprendre les maîtres du circuit.